L’économie sociale et solidaire comme pilier du développement durable. Une perspective transactionnelle

BLANC Maurice
Université de Strasbourg & Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernements en Europe (SAGE – UMR 7363) – France.

STOESSEL-RITZ Josiane
Université de Haute Alsace & Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernements en Europe (SAGE – UMR 7363) – France.


ARDD-1-2021 – Développement durable : recherches en actes

Durabilité et globalisation : approches théoriques et critiques


Pour citer cet article

Blanc Maurice & Stoessel-Ritz Josiane : « L’économie sociale et solidaire comme pilier du développement durable. Une perspective transactionnelle », Actes de la recherche sur le développement durable, n°1, 2021.
ISSN : 2790-0355 (version en ligne) — ISSN : 2790-0347 (version imprimée)
URL : https://publications-univ-sud.org/ardd/2021/12/505/
DOI : (à compléter)


Texte intégral

L’économie sociale et solidaire comme pilier du développement durable. Une perspective transactionnelle

par Maurice BLANC & Josiane STOESSEL-RITZ

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Le développement durable (DD par la suite) est une utopie mobilisatrice qui repose sur deux fondements : la solidarité généralisée qui engage l’ensemble des composantes d’une société et la coopération entre des individus autonomes mais interdépendants (Elias, 1969) qui agissent pour un meilleur vivre ensemble. Cette double nécessité pose des difficultés d’ordre politique, social, culturel et épistémique (Storrie, 2010) : elle repose sur un contrat social éthique et sur un mode de développement reliant des sociétés de plus en plus interdépendantes.

Expression consacrée par le Rapport Brundtland (CMED, 1988)[1], le DD demeure polysémique et controversé. L’écodéveloppement (Sachs, 1978) insiste sur la satisfaction des besoins humains fondamentaux, dans « un souci d’équité et selon une temporalité intergénérationnelle » (Gendron & Gagnon, 2004). Des approches économiques l’associent au « développement local viable », les habitants validant les impacts sociaux et les coûts sociétaux (ibid.). Dans les sciences sociales de l’urbain, des « approches critiques du DD » partent des luttes des habitants contre la transformation néolibérale de leur ville (Boissonade, 2015).

Le DD vise à concilier les exigences opposées de l’économie, de l’environnement et de la société. Mais la plupart des organisations nationales et internationales ont une vision néolibérale du DD, par la création de nouveaux marchés, comme celui des droits à polluer : en fonction de calculs complexes, chaque entreprise a le droit de polluer jusqu’à un certain niveau. Si elle est vertueuse, elle peut vendre ses droits inutilisés, permettant à d’autres entreprises de continuer à polluer au-delà du seuil autorisé. Ce marché est inspiré par le Prix Nobel de l’économie Ronald Coase (1960) : en donnant un prix à la pollution, on inciterait à polluer moins. En réalité, les gros pollueurs préfèrent payer, au lieu de réduire la pollution à la source.

Cette « croissance verte » est dénoncée par les acteurs de l’ESS et de la société civile, car elle institue de nouveaux marchés qui tiennent compte des seuls investissements marchands et excluent les activités non marchandes et non monétaires. Dans un contexte néolibéral et une gestion à court terme, la croissance développe la compétition pour l’accès aux ressources naturelles ; elle exacerbe les tensions sur les ressources en eau et le patrimoine naturel, pratiquant la politique de la terre brûlée.

Dans ce mode de développement, les droits du propriétaire passent avant ceux des usagers. L’ensemble des ressources humaines et terrestres est soumis à l’emprise des marchés (Callon, 2017). Ce développement reste prisonnier d’un mode destructeur, inégalitaire et source de violences : l’extractivisme[2] (Maalouf, 2009).

Du mythe à l’aveuglement

La notion de « développement » est un héritage de la fin de la seconde guerre mondiale. Au 21e siècle, le DD est confronté à la pensée néolibérale et au processus global de financiarisation, qui se sont renforcés conjointement dans l’économie mondiale. La première vise à démanteler l’État social, en se fondant sur l’utilité économique et les produits financiers. « L’utopie néolibérale » (Foucault, 2004) soumet l’ensemble de la vie en société à la loi du marché, mais il faut une intervention politique pour que « les mécanismes concurrentiels puissent jouer le rôle de régulateur » (Lagasnerie, 2012, p. 52). Les impasses de la globalisation néolibérale s’expriment avec l’avènement du « marché total » (Polanyi, 1944) : « la guerre de tous contre tous » accélère la montée des inégalités sociales et menace les ressources terrestres et les solidarités.

La seconde, la financiarisation, découle du capitalisme financier qui s’empare des « risques climatiques et sociaux » (Keucheyan, 2018) et menace le vivre ensemble, le lien social et la démocratie. Ce développement prédateur est source de conflits, de guerres et de pauvreté ; il subit l’impact d’une globalisation écologiquement et socialement insoutenable (Supiot, 2020). Le mythe s’effondre d’une croissance infinie, fondée sur la conquête de parts de marché. Pour un monde humainement durable et vivable, agir pour le DD impose une prise de conscience (un « choc », selon Supiot) pour tenir compte des interdépendances entre pays et entre communautés, des spécificités de chacun et de la nécessité irréductible des communs (Menzou, 2020).

Les communs sont des potentiels concrets d’action issus de l’accès à des ressources (terre, eau, culture, savoirs) et de leur usage. Ces communs forment le soubassement du bien vivre ensemble dans une « société du commun » (Defalvard, 2020). La prise de conscience citoyenne des communs, en réaction au néolibéralisme et aux marchés, s’exprime en termes d’attachements et de résistances locales (Dardot & Laval, 2016 ; Kern & Stoessel-Ritz, 2014).

Dans le processus incertain de conciliation de l’environnement, de l’économie et de la société, une transition sociale, écologique et démocratique implique une rupture : de la compétition vers la coopération et les solidarités. L’ESS est pionnière et promotrice de transactions dans la construction de ces articulations et transitions. Nous nous centrons sur la manière dont les individus, les communautés et les sociétés produisent de la coopération et de la solidarité, réponses concrètes et porteuses d’issues solidaires (Servet, 2017).

Selon notre hypothèse, les initiatives citoyennes collectives sont attentives à l’accès aux ressources de toutes et tous, y compris les plus pauvres ; elles participent du bien vivre ensemble. Cette perspective explore un DD alternatif, ancré dans les valeurs, les codes et l’histoire des sociétés (Polanyi, 1944). Elle repose sur des ressources régénératrices de sens, des résistances collectives et de la capacité sociale (au sens de capability : Sen, 1999) à (re)produire des communs.

Introduire la transaction sociale : de la compétition à une éthique de la coopération

Ce changement de paradigme[3] regarde autrement les échanges sociaux encastrés localement et socialement, coexistant avec l’échange marchand. Ces échanges non monétaires (don de temps, de savoirs) relèvent d’arrangements qui intègrent l’utilité, la valeur marchande et la dimension subjective et objective des liens. Ces échanges sont le fruit d’une transaction sociale qui produit de la confiance et des valeurs (solidarité, reconnaissance) sous-jacentes à la coopération.

Pour Claude Lévi-Strauss (1943, p. 136) : « les échanges commerciaux représentent des guerres potentielles pacifiquement résolues et les guerres sont l’issue de transactions malheureuses » (cité par Remy & Voyé, 1981, p. 171). La transaction sociale est un processus d’interactions, d’échanges et d’apprentissages qui peut aboutir à un accord tacite permettant un compromis de coexistence (Blanc, 2009).

La solidarité repose sur un apprentissage pluriel de la coopération (Stoessel-Ritz & Blanc, 2020) et sur l’expérience, à la fois individuelle et collective, du faire commun. Elle s’inspire des formes de résistance et de solidarité à l’échelle des territoires. L’émergence de pratiques de solidarité et de liens s’appuie sur l’engagement de communautés et de citoyens qui veillent au sens du commun (Stengers, 2020) et préservent, par la coopération, un vivre ensemble entre des égaux qui sont différents (Laurent, 2017).

Cette éthique de coopération et de solidarité ne doit pas masquer sa limite, quand la solidarité se limite à une communauté repliée sur elle-même (Storrie, 2010, p. 24). Le paradoxe démocratique doit transformer des relations antagonistes (entre ennemis engagés dans une lutte à mort) en relations agonistes (entre adversaires qui rendent leur confrontation productive). Ce résultat repose sur des citoyens vigilants et capables d’aboutir à des compromis pratiques par des transactions sociales, mais l’antagonisme irréductible demeure. C’est l’enjeu de l’éthique de la coopération dans la démocratie (Mouffe, 2000).

L’économie sociale et solidaire, une utopie concrète pour des alternatives solidaires

En Europe, l’ESS s’est construite au 19e siècle, sous l’impulsion d’une pensée sociale critique : le coopérativisme et le solidarisme sont la source d’une utopie émancipatrice, entrainant la mobilisation des ouvriers auto-organisés en coopératives de consommation et/ou de production, pour résister au capitalisme et sortir de la pauvreté.

Dans sa diversité, l’ESS est le terreau sur lequel fleurissent des innovations collectives, alternatives et citoyennes pour une utopie concrète c’est-à-dire « la possibilité qui éclaire l’actuel et que l’actuel éloigne dans l’impossible » (Lefebvre, 1971, p. 9). L’ESS est une force collective (libre adhésion et engagement) qui oriente et structure son action au service d’une société plus juste, solidaire et équitable. Cette utopie n’a rien d’un idéal impossible à atteindre : telle une boussole, elle donne du sens aux pratiques et aux échanges. Cette utopie répond aux espérances et aux attentes des individus, elle est ancrée dans les attachements personnels, culturels et familiaux et s’exprime dans la vision d’une société permettant un meilleur vivre ensemble.

Cette dimension structurale[4] de l’ESS fait écho aux initiatives émergentes qui expriment des formes d’engagement et d’émancipation avec une dimension sociopolitique. Participant à la culture démocratique, les initiatives sociales et solidaires des citoyens fournissent des réponses concrètes à un développement durable, social et solidaire lui aussi. L’entrepreneuriat solidaire s’est construit en combinant plusieurs principes d’échanges (marchand, distributif et non monétaire) autour d’une économie plurielle (Laville, 2007). Elle est portée par l’engagement et l’action collective au service de finalités solidaires et elle régénère la démocratisation de l’économie par la coopération.

Néolibéralisme et ESS : tensions, complexité et transactions sociales

Dans le contexte de la mondialisation, l’ESS résiste au néolibéralisme hégémonique qui vise à la réduire au social business qui détecte de nouveaux marchés à impact social (Laville et al., 2017, p. 9). La loi française de 2014 sur l’ESS reconnait l’entreprise commerciale à but social[5], ce qui contribue à cette confusion. Mais l’ESS n’est pas le détecteur des marchés émergents dans la sphère sociale.

Si l’ESS et le néolibéralisme sont radicalement opposés, leurs frontières restent floues. Le social business a été développé par Muhammad Yunus, fondateur en 1976 de la Grameen Bank et prix Nobel de la Paix. Appelée « la banque des pauvres », cette banque fait des prêts à bas taux d’intérêt aux paysans pauvres du Bangladesh, notamment aux femmes. Mais il s’agit d’un marché « rentable » car, en jouant sur les solidarités villageoises, les emprunts non remboursés sont peu nombreux.

Pour le social business, lutter contre la pauvreté et permettre aux pauvres de vivre décemment est un immense marché qui permet de s’enrichir. Pour y parvenir, il faut un soutien au départ : soit celui de la philanthropie (la fondation Bill et Melinda Gates par exemple), soit celui de l’État. Pour obtenir des soutiens financiers, l’ESS est souvent obligée de passer par des dispositifs qui ne correspondent ni à son éthique, ni à sa stratégie. La négociation de transactions sociales achoppe quand des rapports de force opposent les attentes d’un ministère ou d’un « mécène », qui exigent un retour sur investissement à court terme, à des structures associatives impliquées dans une action à long terme pour la reconnaissance de communs (bien vivre ensemble, agir sur les représentations sociales).

L’insertion par l’activité économique est en France un bon exemple : l’ESS a l’ambition d’aider les personnes en grande difficulté (chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification professionnelle, personnes vivant avec un handicap, etc.) à trouver un emploi adapté à leur situation. Sauf exception, ceci suppose un long temps de préparation. Or les services de l’État en charge de l’emploi conditionnent leur financement à un taux d’insertion professionnelle élevé et à court terme.

Les organismes de l’ESS sont contraints de sélectionner les candidats « les plus proches de l’emploi » et non ceux et celles qui en ont le plus besoin. Dans la gestion de ces contradictions, les négociations informelles qui accompagnent la mise en œuvre de dispositifs complexes sont essentielles. L’analyse des pratiques révèle les capacités réflexives des publics (Duvoux, 2010), l’impact des interactions (entre professionnels et personnes accompagnées) et la possibilité de négocier des transactions sociales tacites entre professionnels, pour éviter quelquefois l’exclusion des personnes.

La transaction sociale permet de discerner la dynamique de pratiques d’apprentissage et d’interactions dans la négociation, souvent informelle, de zones d’accords. Tout en partant des effets des structures sociales et des antagonismes sociaux, ce paradigme s’attache à rendre possible la coopération par un compromis pratique, modelé par des cultures et des valeurs (Ledrut, 1976).

L’ESS est un terrain fécond de transactions sociales : l’échange économique débouche sur des échanges sociaux encastrés dans les pratiques, dans les mouvements sociaux et dans l’historicité de valeurs (Stoessel-Ritz & Blanc, 2020). Ces transactions sociales entre partenaires inégaux sont indispensables à la construction et à la reconnaissance des communs, dans une coopération conflictuelle.

Les acteurs de l’ESS sont porteurs d’initiatives collectives et citoyennes de résistance au néolibéralisme ; ils offrent un mode de développement alternatif qui prépare la transition économique, écologique, sociale et solidaire. Ces transitions mobilisent des échanges en dehors du capitalisme, ou acapitalistes (Braudel, 1985) : « l’échange marchand est transparent et concurrentiel, alors que l’échange capitaliste est opaque et à tendance monopolistique. […] Le capitalisme détruit le marché comme lieu d’échange négocié où l’on marchande » (Draperi, 2015).

Enjeux sociétaux du DD : des résistances durables

Les sociétés industrielles occidentales ont considéré que les espaces et les ressources naturelles des colonies étaient à leur disposition : elles se sont approprié l’eau, les matières premières et les métaux rares (extractivisme), la force de travail des populations des pays colonisés (avant, pendant et après l’esclavage), mais aussi le travail forcé des prisonniers. Les industries lourdes et polluantes, aux conséquences écologiques et sociales catastrophiques et irréversibles, ont été délocalisées vers les Suds. Le DD est prescrit et mis en jeu de diverses manières sur des territoires où l’intervention publique et privée provoque des résistances et des tensions, devant la menace de paupérisation et d’exclusion des populations locales, dépossédées de leur maîtrise sur le milieu et sur l’environnement.

Un développement livré à l’État néolibéral par une croissance génératrice de pauvreté

Au Gabon, le DD s’est invité dans le Programme national pour l’environnement de 2007, avec le soutien de la coopération internationale (Banque Mondiale, UNESCO et ONG). Mais c’est un développement postcolonial et extractiviste. L’entreprise Cimgabon à N’Toum (à l’est de Libreville), ancienne entreprise publique privatisée, devenue filiale d’une cimenterie allemande, éclaire les tensions et les rapports de pouvoir issus du paternalisme étatique et patronal (Bignoumba, 2013).

L’État a voulu maintenir une gestion paternaliste accordant des avantages aux salariés de la carrière de N’Toum (logement, terrain de sport) et garder des liens privilégiés avec la firme. L’entreprise Cimgabon a développé une stratégie de communication avec la certification environnementale ISO 14 001, pour rassurer les ONG, les salariés et les autres partenaires sur la qualité des conditions de travail sur le site.

La firme (appelée « société-État » par ses anciens salariés) a combiné une politique sociale paternaliste et la certification environnementale. Sa stratégie prétendue compensatrice est réservée à ses salariés. Ce compromis unilatéral compense les risques de l’activité économique par des équipements attractifs dans la cité ouvrière de la cimenterie. Cette politique se revendique du DD et elle a mis les familles de ces travailleurs et quelques riverains à l’abri de certains risques sanitaires et sociaux. Mais les habitants dépossédés de leurs ressources à vocation vivrière (eau, terres cultivables) ont pris conscience des risques environnementaux et sanitaires (gaz toxiques, poussières) liés à l’activité de la firme. Ils ont résisté aux pressions et exigé la création d’un dispensaire hors des murs de l’usine.

En 2014, face à une concurrence chinoise effrénée, l’État gabonais a cédé au néolibéralisme et accepté l’ouverture du marché du ciment, entrainant la fermeture de l’usine de N’Toum[6]. La croissance promise aboutit à une politique de la « terre brulée » : l’entreprise allemande abandonne une friche dévastée écologiquement par un développement prédateur et destructeur des ressources. D’anciens ouvriers (qui ont pu racheter leurs maisons) sont restés avec leurs familles, mais en perdant leur bien commun.

Résistances et solidarités pour un monde durable

L’environnement naturel est central dans la culture des communautés rurales qui sont les témoins historiques des formes traditionnelles de solidarité et de leurs transformations. Soumises à de fortes contraintes, ces communautés ont réussi à s’adapter à des transformations économiques et techniques, en préservant l’essentiel à leurs yeux : l’autonomie dans la gestion des ressources naturelles. Deux exemples montrent ce qu’un DD en rupture avec le modèle concurrentiel veut dire dans ces communautés : la conciliation entre une économie marchande acapitaliste, l’environnement et la communauté rurale.

Le premier exemple s’appuie sur des travaux réalisés en 2015 au Maroc[7], sur la gestion de l’arganeraie en région semi-aride et faiblement peuplée : le terrain du Souss Massa Drâa, dans le village de Talkerdoust-Zaou. Arbre endémique marocain présent au cœur de la tradition berbère rurale (Auclair & Simenel, 2013), l’arganier a permis de développer de multiples usages locaux (huile, combustible, sous-produit pour le bétail). Les forêts d’arganiers sont menacées par de nouvelles cultures maraîchères (irriguées) qui produisent un stress hydrique sur les arbres. Seuls les habitants restés au village (femmes, personnes âgées) assurent artisanalement la transformation des produits de l’argan[8], dont les forêts assurent une fonction essentielle de maintien de l’équilibre écologique de ce territoire (limitation de l’érosion et de la désertification).

Ce patrimoine arganier est traditionnellement géré par la communauté (jmaâ) qui veille aux droits d’usages des communs (agdal) tout en étant subordonnés, en tant que forêt domaniale, à l’autorité des agents de l’État (Eaux et Forêts) (Menzou, 2020). La coexistence du droit coutumier communautaire et du droit de propriété domaniale de l’État (héritage colonial) est au cœur des conflits d’usage. Il en résulte une gestion chaotique d’un patrimoine-ressource : les conditions d’usage et de mise en commun sont menacées, au risque d’accélérer la disparition des derniers habitants de ces territoires ruraux isolés.

La conciliation de l’environnement et du social (communautés), fondée sur des savoirs traditionnels, est menacée par la non reconnaissance du droit coutumier, facilitant l’imposition de la loi du marché par les exportateurs des produits de l’argan. La reconnaissance du droit coutumier communautaire (Barrière, 2017) initie un processus d’émancipation fondé sur la reconnaissance des savoirs locaux et des modes de vie, et sur le maintien des communautés. Cette perspective appelle le pluralisme en économie autour de biens et de services marchands et non marchands, soit une ESS adaptée qui construit des liens sociaux autour des communs (Menzou, 2020).

La résistance d’une agriculture vivrière et familiale dans les villages de montagne en Kabylie[9] est le second exemple (Stoessel-Ritz, 2012). Des modes de gestion durable sont intégrés par des habitants d’un territoire rural peu accessible et gagné par l’exode rural massif des jeunes (partis travailler à Alger ou en France). L’attachement au village demeure vif, même à distance. Ceux/celles qui restent s’engagent et résistent comme des gardiens vigilants : ce sont surtout des femmes qui entretiennent le patrimoine et les cultures vivrières. Des relations privilégiées à la terre se construisent par des échanges entre villageois, des activités au contact physique avec la nature et l’acceptation des contraintes du milieu aride des villages de montagne (relief, climat, saisonnalité), source d’un code de valeurs.

Cette activité familiale et artisanale est attentive à la nature et elle n’épuise pas le potentiel de reproduction des ressources. Ces communautés font une gestion locale et entretiennent des interdépendances étroites (entre les générations, les émigrés et ceux qui restent, les familles et la nature en montagne). Cette gestion autonome et durable des ressources fait de la nature un patrimoine commun pour toute la communauté, dynamique qui renforce les liens dans la communauté élargie aux absents. Ces solidarités contribuent à limiter la vente des terres agricoles en Kabylie et la spéculation par des acheteurs étrangers. Ce modèle de bien vivre ensemble tire sa force d’une volonté des membres « de faire exister un modèle de société » au-delà des frontières (Bourdieu et al., 2003), dans une société des communs (Defalvard, 2020).

L’ESS, matrice sociétale d’un DD générateur de bien vivre ensemble

L’ESS est la matrice sociétale d’un DD construit sur une alternative citoyenne et solidaire. Elle repose sur une économie plurielle et démocratique, et sur une vigilance critique fondant le bien vivre ensemble sur des communs. Les crises systémiques majeures du changement climatique, l’amplification des inégalités économiques et de la pauvreté, la crise écologique et sanitaire en 2020, appellent un changement urgent (Latour, 2017). Un DD démocratique, une justice environnementale et un développement plus sobre et équitable reposent sur la coopération et l’organisation de solidarités sous-tendues par des liens d’interdépendance (Stoessel-Ritz, Blanc & Mathieu, 2010).

Les activités de l’ESS mettent les principes à l’épreuve de l’action et accumulent des connaissances concrètes et des expériences collectives. Un faisceau d’interactions continues et d’allers retours entre savoirs et pratiques font de l’ESS un champ stimulant, créatif et réflexif, susceptible de relever les défis majeurs de nos sociétés, d’inventer et de défricher de nouvelles pistes, en dehors du néolibéralisme et de la société de marché.

Donner son patrimoine pour un projet émancipateur. La naissance d’un bien commun sous tension : l’écomusée d’Alsace

L’association Maisons paysannes d’Alsace (1973-2006) pourrait être un idéal-type de projet collectif de patrimonialisation non financière pour le bien vivre ensemble (Stoessel-Ritz, 2018). Dans les années 1970, le départ forcé pour le salariat industriel des jeunes issus de familles paysannes du Sundgau (Haut-Rhin) aboutit à l’abandon progressif des fermes et des maisons paysannes qui n’intéressent plus personne. Sauf à Gommersdorf (Sud Alsace) où des paysans âgés ont préféré « donner » leurs maisons que les abandonner, en les confiant à un groupe de jeunes (étudiants, apprentis) venus de la ville et épris de nature.

Cette transmission inattendue a mis ces jeunes devant un dilemme : recevoir ce don signifie endosser une responsabilité, mais quel avenir pour ces biens ? Ces jeunes bénévoles entendent sauvegarder ces maisons paysannes par le démontage et remontage des maisons déplacées sur une friche industrielle. L’association Maisons paysannes d’Alsace est créée, elle aspire à un choix alternatif : ni entreprise lucrative, ni musée public, un projet patrimonial faisant le lien entre un monde paysan en extinction et un monde en devenir. Ce projet a permis en 1981 la création de l’Écomusée d’Alsace à Ungersheim[10], fruit de la réappropriation du bien commun et de la réinvention de nouveaux usages.

L’Écomusée d’Alsace a du succès, mais il demeure incompris par les collectivités territoriales. Ce n’est ni un parc d’attraction et de loisirs, ni un musée. L’association parvient à concilier des activités marchandes et des activités non monétaires de l’Écomusée, elle a surpris par sa capacité à concilier deux logiques inconciliables[11] aux yeux des acteurs publics (Département, Région).

L’Écomusée d’Alsace a gagné grâce à l’engagement collectif de bénévoles et de salariés qui ont défendu la vision d’un bien commun au prix d’un travail permanent de négociation de ce commun devenu une ressource. Acquises au dogme néolibéral, les collectivités territoriales ont mis fin au projet associatif : le bien commun (Écomusée) est réduit à un objet lucratif. La vague néolibérale est un risque pour les communs, leur légitimation est un enjeu majeur pour l’ESS et elle nécessite une société civile vigilante et consciente de son intérêt.

Les Amap : nouveaux échanges, nouvelles solidarités, compromis de coexistence et bien vivre ensemble

Les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) sont nées avec les années 2000, contre les logiques néolibérales de la mondialisation. Elles représentent en France plus de 2000 organisations qui réunissent 100 000 foyers et 3700 producteurs (agriculture, maraîchage). Le projet « amapien » permet d’acheter à un prix juste des denrées alimentaires de qualité ; l’objectif est de garantir la pérennité des fermes de proximité, dans une démarche d’agriculture paysanne (accompagnement, cahier des charges), souvent agroécologique et socialement équitable (contrat direct entre producteurs et consommateurs). Les Amap visent à renouer des relations et des solidarités entre une communauté locale élargie et un réseau de petits producteurs locaux qui mutualisent les risques de l’activité agricole face aux aléas climatiques.

Dans la région de Mulhouse (Haut-Rhin), les Amap ont rétabli des liens entre les producteurs et les consommateurs avec une reconnaissance réciproque, un intérêt renouvelé pour les produits échangés (intérêt pour le travail du producteur et ses savoirs) et la transformation progressive des modes de consommation (produits bio). L’expérience collective est durable pour une partie des consommateurs adhérents ; elle se traduit par une prise de conscience des interdépendances et, pour certains, la participation bénévole aux travaux (Stoessel-Ritz, 2018).

L’échange des produits dans les Amap renforce l’expérience d’un vivre ensemble et d’une consommation alternative. Il se fait dans une ancienne friche industrielle à Mulhouse. La volonté de se reconnaître « autrement » est le résultat d’une transaction sociale qui réinvente un sens du commun par l’intérêt et l’attention portée, d’un côté aux citadins consommateurs, de l’autre aux producteurs et paysans des territoires ruraux. Cette transaction est la réappropriation d’un acte marchand acapitaliste qui s’émancipe des rôles prescrits ou contraints.

Cette émancipation potentielle et objective du consommateur passif produit une plus grande autonomie, entendue comme le libre engagement dans des choix responsables. L’engagement dans les Amap est une expérimentation du bien vivre générateur de sens en commun (Stengers, 2020) et de savoirs partagés, favorisant les solidarités locales.

L’ESS participe à un projet individuel et collectif d’émancipation, au contact de l’apprentissage des interdépendances traversées par des relations de pouvoir. Cette émancipation engage un processus de prise de distance réflexif, incluant les savoirs décolonisés par l’invention d’une ESS qui relève d’une « science sociale publique et émancipatrice » (Laville, 2020, p. 310).

Conclusion

Un DD sans éthique ni valeurs, dépouillé de coopération et de solidarités serait un piège, voire une impasse fatale. La vague néolibérale a fragilisé les États et accéléré l’instauration de régimes arbitraires de décisions non démocratiques qui menacent les conditions d’existence de populations locales dans l’accès à leurs ressources locales, matérielles et immatérielles. L’ESS posée comme un mode de développement alternatif, écologique et solidaire est génératrice de communs, dont la reconnaissance sociale et politique est au cœur de tensions conflictuelles. Portée par une société consciente de ses intérêts fondamentaux, l’ESS participe à la démocratisation de l’économie. Elle renouvelle au quotidien des voies solidaires vers la coopération pour le « bien vivre ensemble », un commun qui est le fruit de transactions sociales.

Bibliographie

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Notes

[1] Extrait du rapport Brundtland Our Common Future de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des nations unies : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (CMED, 1988).

[2] L’extractivisme prélève dans les pays pauvres des ressources naturelles non renouvelables, pour les exporter.

[3] Le paradigme est « un principe organisateur et inducteur de la construction d’hypothèses et d’interprétations théoriques » (Blanc, 2009, p. 25).

[4] La dimension structurale fait référence aux structures culturelles (valeurs, codes, normes) du social. Elle se distingue de la dimension structurelle, qui renvoie d’abord aux effets d’un système économique sur l’organisation sociale (Remy et al., 2020).

[5] En 2015, l’ESS (coopératives, associations, mutuelles, fondations et entreprises d’utilité sociale) représente en France 14 % de l’emploi salarié privé (https://ess-france.org/fr/less-en-chiffres).

[6] « GABON – CIM GABON : Usine fermée, cité abandonnée » (vidéo). Gabonnews info, 19 juin 2020. URL : https://youtu.be/sCzz96RzM_8

[7] Développement durable participatif et solidaire, Rapport sur le village de Talkerdoust par des étudiants du Master ESS (Université de Haute Alsace), encadrés par M. Blanc et J. Stoessel-Ritz, et présenté à la 4e Université internationale « Territoires solidaires sans frontière », Universités de Haute Alsace et d’Agadir, mars 2015.

[8] L’argan est la principale activité génératrice de revenus de 3 millions de ruraux au Maroc.

[9] Entre 2007 et 2012, nos recherches en Kabylie sont menées avec les universités de Tizi-Ouzou, Béjaia et Sétif, dans le cadre d’un programme PHC Tassili (2007) et du programme IRD/CPU (2010) porté par le Réseau euro-africain Développement durable et lien social (2DLIS), dont Josiane Stoessel-Ritz est la coordinatrice française.

[10] https://www.ecomusee.alsace/fr/decouvrir-l-ecomusee/histoire-du-musee

[11] Mise sous pression et sommée de choisir son camp, entre l’associatif et l’entrepreneuriat privé, l’association a cédé l’Écomusée au département du Haut-Rhin. Ce dernier a transféré en 2006 l’exploitation de l’Écomusée à un groupe touristique privé, en rupture avec le projet initial.


Auteurs / Authors

Maurice BLANC est professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg. Il est membre du Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernements en Europe (SAGE – UMR 7363) et de la Chaire ESS de l’Université de Haute Alsace. Ses recherches portent sur la démocratie participative, le développement social urbain et l’économie sociale et solidaire.

Josiane STOESSEL-RITZ est professeure de sociologie, fondatrice et directrice de la chaire Économie sociale et solidaire de l’Université de Haute Alsace. Elle est membre du Laboratoire SAGE et elle a fondé le réseau euro-africain « Développement durable et lien social » (2DLiS), aujourd’hui rattaché à la chaire ESS. Ses recherches portent sur le développement durable et sur l’économie sociale et solidaire.

Maurice BLANC is professor emeritus of sociology at the University of Strasbourg. He is a member of the Laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernements en Europe (SAGE – UMR 7363) and of the SSE Chair at the University of Haute Alsace. His research focuses on participatory democracy, urban social development and the social and solidary economy.

Josiane STOESSEL-RITZ is professor of sociology, founder and director of the Social and Solidary Economy Chair at the University of Haute Alsace. She is a member of Laboratoire SAGE and she founded the Euro-African network « Développement durable et lien social » (2DLiS), now attached to the SSE Chair. Her research focuses on sustainable development and social and solidary economy.


Résumé

Le développement durable (DD) a pour objectif de concilier l’économique, l’environnemental et le social, ce qui est source de multiples oppositions et tensions. L’économie sociale et solidaire (ESS) ne vise pas le profit, mais à répondre aux besoins sociaux non satisfaits par le marché. Leur rencontre ne va pas de soi car le néolibéralisme prétend lui aussi réunir l’économie, l’environnement et le social, mais en passant par le marché. L’ESS doit s’ouvrir au DD et s’orienter vers une gestion patrimoniale de la nature comme un bien commun. En Afrique et dans les pays dits du Sud, il s’agit d’un retour à des traditions ancestrales, mais sous une forme renouvelée.

Mots clés

Bien commun – Développement durable – Économie sociale et solidaire – Environnement – Gestion patrimoniale – Innovation – Solidarité

Abstract

Sustainable development (SD) aims to reconcile economic, environmental and social issues, which is a source of many oppositions and tensions. The social and solidary economy (SSE) does not aim to make a profit, but to respond to social needs not met by the market. Their meeting is not self-evident because neoliberalism also claims to unite the economy, the environment and the social, but through the market. The SSE must open up to SD and move towards a patrimonial management of nature as a common good. In Africa and in the so-called southern countries, it is a return to ancestral traditions, but in a renewed form.

Key words

Common good – Environment – Innovation – Patrimonial management – Social and Solidary Economy – Solidarity – Sustainable development